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Le silence dans la pratique

 

Olivier Alleno

Parfois, le plus grand piège dans la pratique, c’est de vouloir la remplir.

On croit que l’efficacité naît de l’accumulation : plus de mots, plus de techniques, plus de visualisations.

Et pourtant, plus on rajoute, plus on s’éloigne.

Le paradoxe est brutal : ce que l’on cherche à atteindre par l’effort, le bruit, le commentaire intérieur… se révèle uniquement dans le silence.

Dao De Jing (ch. 56) : « Ceux qui savent ne parlent pas, ceux qui parlent ne savent pas. »

Alors pourquoi ce besoin irrépressible de meubler le vide ?

Parce que le silence fait peur.

Il met à nu. Il confronte.

Et dans cette confrontation, beaucoup préfèrent la distraction des pensées au face-à-face avec eux-mêmes.

Mais la tradition nous rappelle que c’est justement dans ce vide que tout prend racine.

Zhuangzi disait : « Le vide parfait est repos pour l’esprit, et dans ce repos, le Tao demeure. »

Sans ce silence, la pratique devient mécanique, comme un moulin qui tourne sans eau.

Le Nei Gong, au fond, n’est pas un bavardage intérieur, mais une écoute.

Une écoute fine, subtile, qui dépasse les mots.

Le Livre de la Cour Jaune affirme : « Dans le silence du cœur, les souffles circulent librement. »

C’est ce silence qui nourrit le souffle, qui permet au corps de s’ouvrir, qui relie l’homme au ciel et à la terre.

Et si tu observes bien, tu verras que le silence n’est jamais vide.

Il est rempli de vie, de battements, de respirations, de flux imperceptibles.

Mencius l’avait déjà pressenti : « Nourrir son cœur, c’est retrouver le calme. Et dans ce calme, la Voie se déploie. »

C’est là que se joue la différence entre une pratique agitée et une pratique transformatrice.

Pas dans l’ajout, mais dans l’ôter.

Pas dans le bruit, mais dans l’espace laissé libre.

Le silence n’est pas absence. Il est présence à l’état pur.

Et celui qui ose y demeurer découvre que le Tao ne se transmet pas par la parole, mais par une résonance muette.

Dao De Jing (ch. 15) : « Attentif comme celui qui traverse un torrent en hiver, prudent comme celui qui craint ses voisins. Réservé comme un hôte… Discret comme la glace qui fond. »

Le silence est la source.

Et si tu lui ouvres enfin la porte, il deviendra ton maître le plus fidèle.

Olivier ALLENO

Praticien et enseignant des arts du TAO &

 

Passeur d’héritage